La Praesens Film au secours de la Suisse

par Thomas Kadelbach

Thomas Kadelbach, né en 1979. Après des études d'histoire et littérature française à Angers, Fribourg et Madrid, il collabore au projet de recherche FNS Les relations culturelles internationales de la Suisse, 1945-1990. Thèse de doctorat sur Pro Helvetia et l'image de la Suisse à l'étranger. Actuellement collaborateur scientifique à l'Université de Neuchâtel.
, Thomas Kadelbach, born in 1979. Studied history and French literature in Angers, Fribourg and Madrid. Research assistant in the SNSF research project Switzerland's International Cultural Relations, 1945-1990. PhD thesis on Pro Helvetia and the image of Switzerland abroad. Currently scientific collaborator at the University of Neuchâtel.

film
défense spirituelle
seconde guerre mondiale
Praesens
Etats-Unis
neutralité

Fondée en mars 1924 par Lazar Wechsler, ingénieur polonais arrivé en Suisse durant la Première Guerre mondiale, et par le pionnier de l’aviation Walter Mittelholzer, la Praesens SA exerce durant les années 1940 et 1950 une grande influence sur la perception de la Suisse à l’étranger. Répondant habilement à la demande internationale, elle produit des films consacrés à l’esprit humanitaire et à la solidarité et renforce ainsi l’image que la Confédération souhaite donner d’elle-même à l’étranger.

La plupart des productions de la Praesens remportent un succès considérable, à l’image du long-métrage Marie-Louise, réalisé en 1944 sous la direction de Leopold Lindtberg. Ce film, consacré à l’histoire d’une jeune fille française accueillie en Suisse après avoir échappé aux horreurs de la guerre, obtient en 1946 l’Oscar pour le meilleur scénario.

En 1945, la Praesens poursuit ce programme de productions avec la réalisation du film La dernière chance, qui raconte l’histoire d’un groupe de personnes qui cherche à se réfugier en Suisse. Ce film évite les questions politiques délicates concernant par exemple la rigidité des dispositions suisses en matière d’asile et renvoie aux valeurs universelles de la tolérance et de la solidarité. Le succès des films de la Praesens s’explique non seulement par l’actualité des sujets traités, mais également par le recours aux stéréotypes qui correspondent à l’horizon d’attente des spectateurs. Aussi bien dans Marie-Louise que dans La dernière chance, les paysages majestueux des Alpes, mis en scène par Lindtberg, apparaissent comme l’image la plus représentative de la Suisse.

Le succès international de La dernière chance amène les autorités fédérales à reconsidérer leur position par rapport aux productions de la Praesens. Alors que, dans un premier temps, elles font tout pour empêcher la réalisation de ce film consacré au sujet controversé de la politique d’asile, elles encouragent sa diffusion dès que ses vertus de propagande deviennent visibles. En 1946, le conseiller fédéral Eduard von Steiger, responsable de la politique d’asile de la Suisse durant la Seconde Guerre mondiale et inventeur de l’expression « la barque est pleine », va même commander auprès de la Praesens le documentaire La Suisse accueille les réfugiés. Ce documentaire illustre à l’intention des journalistes étrangers la vocation humanitaire de la Confédération.

Au début des années 1950, la Praesens poursuit son programme de productions avec la réalisation des deux films Heidi et Heidi et Peter, consacrés à un des symboles les plus connus de la « suissitude ». Ces longs métrages imprégnés de couleur locale consolident l’image d’une Suisse idyllique et alpestre, préservée des aspects négatifs de la modernité industrielle. Aux Etats-Unis, Heidi connaît un succès tel qu’il donne lieu à de nombreux projets annexes, comme l’organisation d’un concours pour enfants, dont le premier prix consiste en un voyage en Suisse. En 1953, pour le lancement du film aux Etats-Unis, Heidi (Elsbeth Sigmund) et Peter (Thomas Klameth) se rendent à New York et transmettent une lettre du maire de Zurich au maire de la métropole américaine.

Les productions de la Praesens témoignent de l’efficacité et du potentiel du média cinématographique, relativement récent, en tant que vecteur de l’image. D’une portée universelle, le cinéma atteint indistinctement tous les groupes sociaux et toutes les classes d’âge, alors que les effets des supports classiques de l’imprimé sont beaucoup plus limités. Dès lors, il facilite la construction de l’image de la Suisse à l’étranger. (tk)

Fonds d’archives
Cinémathèque suisse
Praesens Film

Bibliographie
Schaub, Martin : Film in der Schweiz, Zurich, Pro Helvetia 1997
Wider, Werner : Der Schweizer Film 1929-1964. Die Schweiz als Ritual, Zurich, Limmat 1981

medias

"Marie-Louise", 1944

Produit en 1944 sous la direction de Leopold Lindtberg, le long métrage Marie-Louise marque un tournant dans l’histoire de la Praesens. Il est caractéristique d'un nouveau programme de productions consacré à l’esprit humanitaire et à la solidarité.

Bibliothèque nationale, collection des affiches

"Landammann Stauffacher", 1941

Dès la fin des années 1930, la Praesens met son programme de productions au service de la défense spirituelle. Réalisé en 1941, son long métrage Landammann Stauffacher est imprégné de références contemporaines.

© Praesens Film www.praesens.com

"Landammann Stauffacher", 1941

Dans Landammann Stauffacher, l’acteur suisse Heinrich Gretler joue le rôle principal. Gretler participe à de nombreuses autres productions de la Praesens, comme Fusilier Wipf et Heidi.

Archives Praesens Film

"La dernière chance" à New York

Comme Marie-Louise, le film La dernière chance renvoie aux valeurs de la solidarité et de la tolérance. Il connaît un succès important aux Etats-Unis.

Archives Praesens Film

"La dernière chance" à New York

Affiche de La dernière chance dans une station de métro de New York. Archives Praesens Film

"Swiss Tour", 1949

En 1949, la Praesens produit le film Swiss Tour, consacré au séjour des soldats américains en Suisse.

Archives Praesens Film

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